La Cour de cassation, au moins sa Première Chambre, deviendrait avec le temps un peu plus loquace ?
L'arrêt qui est mis en avant :
07-12.159 Arrêt n° 796 du 8 juillet 2008 Cour de cassation - Première chambre civile
montre la voie de ce qu'un juriste peut espérér facilement obtenir : un arrêt expressif et non pas abstrait, une motivation sérieuse et bien rappelée...
montre la voie de ce qu'un juriste peut espérér facilement obtenir : un arrêt expressif et non pas abstrait, une motivation sérieuse et bien rappelée...
Mais attention tout de même à l'environnement de l'arrêt :
- "selon l'arrêt attaqué", sachant qu'un arrêt de Cour d'appel comme de toute autre juridiction de quelque degré qu'elle soit ne dit pas tout et même s'abstient de dire beaucoup de choses afin de moins prêter le flanc à la critique,
- le pourvoi incident
- la Cour d'appel concernée,
- le "détail de l'argumentation" écarté qui n'en est peut-être pas un pour les personnes concernées,
- l'avocat général défendant l'intérêt de la société,
- les avocats en défense,
- les visas.
Une analyse non juridique de l'arrêt permet de se rendre compte que :
- la Cour d'appel n'a certainement pas parlé de tout dans ses motifs et donné des réponses satisfaisantes dans son dispositif,
- la Cour de cassation fait encore pire en ne prenant pas le soin de répondre à tous les moyens soulevés alors que la cassation n'est que partielle.
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Il en résulte potentiellement deux conséquences :
- la justice n'est pas vraiment rendue, mais simplement une décision de justice est rédigée, ce qui n'est pas exactement la même chose ;
- le silence sur certains moyens (notamment sur le pourvoi incident) va priver ultérieurement le justiciable de ne pas se heurter à une irrecevabilité de la CEDH, alors même que vu de loin, la Cour de cassation a bien pris en compte l'existence d'un texte supérieur qu'elle vise, ... mais pour en faire quoi ?
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N'y avait-il pas lieu à faire un recours préjudiciel devant la CJCE pour trancher le conflit allégué par la Première Chambre civile entre les textes nationaux et européens ?
Non, selon la Cour de cassation qui de nouveau veut faire œuvre législative.
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N'y aurait-il pas un problème de séparation des pouvoirs dans cet arrêt sous couvert de mettre en œuvre les droits de l'homme ?
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Nous avons tellement été abreuvés à la prétendue exégèse des arrêts de la Cour de cassation au cours de nos études juridiques que nous avons oublié que ces arrêts ont une histoire :
- des justiciables,
- des avocats,
- des conclusions,
- des pièces,
- des actes de procédure.
Un arrêt de la cour de cassation ne dit rien de tout cela, du comment du pourquoi que qui les rend d'autant plus incompréhensibles, et en totale opposition avec le moindre arrêt de la CEDH qui raconte cette histoire, même si elle aussi l'écourte et ne dit pas tout.
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Est-ce que ce qui n'est pas dit est de moindre importance, ou est-ce que ce qui n'est pas dit n'aurait pas provoqué une décision très différente ?
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Qui peut accorder la moindre estime à la jurisprudence Chronopost ?
En quoi son ridicule peut faire avancer du moindre nanomètre la confiance des justiciables en leurs juridictions, même d'exception ?
Souvenons-nous d'un travers commun et très pratiqué, y compris par les plus "grands" avocats : un avocat rédige une assignation ; l'autre lui répond en déformant totalement les demandes formulées dans l'assignation ; pire encore, il s'arrange pour faire parvenir ses conclusions à l'autre avocat par télécopie la veille de l'audience afin que toutes les apparences du contradictoire soient présentes.
L'autre va travailler très tard pour lui répondre, mais il ne saura pas encore que l'avocat voyou aura fait débrancher son télécopieur par un collaborateur qu'il enverra le lendemain plaider à sa place.
Que pensez-vous que le juge va faire ?
Il va écouter simplement le meilleur comédien dans sa plaidoirie et donner raison à celui qui lui donnera le moins de travail, celui qui a prétendument respecté le contradictoire. Mais attention, il y a cependant une limite : ne pas perdre l'oreille du juge, sinon, c'est terminé avec ce juge et avec ses collègues à qui il ne manquera pas d'en faire part : "cet avocat, il raconte vraiment des sornettes".
Souvenons-nous que ce n'est pas mieux de l'autre côté au pupitre.
Pour avantager l'un plutôt que l'autre, il n'y a pas mieux que de ne pas répondre aux conclusions qui dérangent dans la décision. S'il y a appel, on fermera les yeux. Et pour la cassation, la Cour répondra simplement qu'il n'y a aucun moyen de cassation puisqu'ils auraient dû être soulevés devant les juges du fond.
Et cela, c'est quand il y a des conclusions, ce qui n'est pas le cas dans nombre de procédures (juge de proximité, tribunal d'instance, juge des enfants, conseil des prud'hommes) où les conclusions sont facultatives, voire malvenues, les juges n'appréciant pas de devoir répondre à des arguments, surtout s'ils sont pertinents et vont à l'encontre de la décision qu'ils comptaient rendre en tout état de cause, avant même d'avoir ouvert le dossier tenu par son Greffe.
Nous sommes bercés depuis notre tendre enfance à raisonner en fonction du résultat attendu, et non pas à raisonner pour parvenir à un résultat qui nous surprend, ce qui est cependant bien souvent le cas au moment de la rédaction des arrêts par la Cour de cassation, d'où des décisions inattendues quand le syllogisme juridique ne tient pas.
La doctrine ne fait pas mieux, se contentant de l'arrêt sans jamais rechercher ce qui l'a précédé pour l'espèce considérée.
Comment peut-on se contenter d'une doctrine qui ignore royalement l'histoire qui a conduit à l' arrêt de la juridiction d'exception, histoire semée d'incidents et autres embûches dont les chroniques ne disent pas plus que les arrêts eux-mêmes ?
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