samedi 16 mai 2009

Des esprits malmenés devant la Cour d'appel.

La crise n'est pas uniquement économique, mais également largement juridique.
L'un a des effets sur l'autre et inversement.
Prenons un exemple d'un avoué qui pressent sa disparition imminente et (mal)traite ses clients comme il se doit.
L'avocat lui demande de faire les actes que seul l'avoué peut faire :
- assigner la partie adverse,
- terminer le dossier de plaidoiries où des pièces présentées uniquement en appel doivent figurer (et donc nécessairement passer entre les mains de l'avoué).
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Résultat le jour de l'audience, au commencement de l'audience ?
L'avocat est là mais pas son dossier : sans son dossier, l'avocat se confond d'excuses devant le Président de la Chambre, qui bon bougre, fait passer les autres affaires avant... et le temps passe.
Ce temps n'est pas vide puisque l'avocat téléphone à plusieurs reprises à l'avoué pour s'enquérir de savoir où est le dossier. A l'étude, on cherche le dossier partout alors qu'il est censé avoir été expédié par la voie du Palais au greffe de la juridiction.
Le Président de la Chambre est au terme des audiences de l'après-midi : l'avocat se confond toujours d'excuses que son dossier ne soit pas là.
Le Président comprend que le problème matériel est important et plutôt que de radier l'affaire, il décide le report de la clôture, clôture qu'il n'avait toujours pas prononcé, et le report des plaidoiries, à dates qu'il fixe, notant au passage, cerise sur ce mauvais gâteau, que c'est finalement une chance pour l'avocat (et son client déconfit, qu'il en soit ainsi, que le dossier ne soit pas arrivé) car le Président a vu un problème majeur dans le dossier qu'il a sous la main : s'il a bien tous les jeux de conclusions, il a remarqué que l'avocat ne pouvait pas plaider sur les dernières conclusions.
Pourquoi ?
Parce l'avoué de l'appelant devait assigner la partie adverse à constituer avoué (ce qu'elle n'a jamais fait, cas rare mais pas exceptionnel).
L'huissier de l'appelant a signifié son acte en temps et heure mais sur de mauvaises consignes de l'avoué qui s'est appuyé sur d'anciennes conclusions et non pas sur les dernières : l'intimé n'étant pas assigné sur les dernières conclusions de l'appelant, l'avocat ne peut pas plaider sur ses dernières conclusions.
A l'exceptionnel que l'avocat soit privé de son dossier de plaidoiries par l'avoué (dossier contenant ses conclusions et pièces), s'ajoute le fait, pas si rare, que l'avocat ne puisse pas défendre ses dernières conclusions, mais d'autres plus anciennes, inachevées.
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C'est donc un mal pour un bien, une telle affaire, avec des dysfonctionnement graves dans l'étude d'avoués.
Au fait : où était le dossier ?
Après l'audience, un collaborateur de l'avoué a fini par arriver avec une grosse enveloppe. Cette grosse enveloppe avait été en réalité, préparée par une stagiaire, qui y avait porté un mauvais destinataire (adresse qu'il faudrait lire pour comprendre son caractère totalement incompréhensible puisque le destinataire était l'avocat entre les mains du greffier...), et surtout avait mentionné une mauvaise chambre où le dossier était bien arrivé et resté là en attendant que l'avocat vienne le chercher.
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A noter que dans le cadre de sa réorganisation, la Cour d'appel de Paris fonctionne depuis quelques semaines en pôles et chambres et non plus en chambres et sections : il va falloir s'y faire pour les arrêts qui en sortent aujourd'hui et disposer d'une table de correspondances pour savoir qui est qui, où et depuis quand - cette réorganisation permet notamment d'optimiser un peu mieux l'utilisation des locaux, mais c'est le grand bazar dans le palais où pour le moment, tout le monde se perd, avocats, avoués, justiciables, greffiers.
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Revenons à notre affaire.
Cerise sur la gâteau de la déconfiture de cet avoué, qui nonobstant, fait passer son client et lui-même pour des idiots devant la Cour, l'enveloppe ne contenait pas ce qu'elle était censée contenir.
Rappelons : elle devait contenir le dossier de plaidoiries, c'est-à-dire les conclusions (avec un original) et les pièces numérotées et portant le tampon humide de l'avoué.
Il n'y avait que les pièces numérotées conformément au bordereau e portant tampon humide de l'avoué. Les conclusions n'y étaient pas, et comme l'avocat n'avait pas pris le soin d'apporter un jeu de conclusions, on ne voit pas comment il aurait pu plaider correctement sinon à inventer devant la Cour, à raconter des fadaises, et puis c'est tout. Certains avocats sont parfaitement accoutumés à cette "méthode" de travail très particulière : c'est inacceptable, mai si commun...
Heureux client d'avoir assisté à ce carnage de son dossier, car en son absence, les uns auraient renvoyés la balle sur les autres comme ils savent si bien le faire lorsque leur client n'est pas là pour voir ce qui se passe concrètement.
Les fautifs : l'avoué, sans oublier l'avocat qui n'est pas en reste dans cette affaire.
Rattraperont-ils le "coup" à l'occasion du nouveau calendrier fixé par la Cour ? C'est une autre histoire.
A noter pour conclure que l'intimé, qui n'a toujours pas constitué avoué, est une société franchisée adossée à une banque très importante prise dans la tourmente des "subprime". L'appelant, quant à lui, est une simple personne physique, seule, alors que les intérêts qu'il veut défendre ont un caractère collectif.
La situation de l'intimé fait peser une suspicion sur la sincérité de l'avoué de l'appelant, et sur la légèreté de l'avocat.
Mais le doute doit profiter à l'innocente, mais certainement pas à l'incompétence.
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Toutefois, il n'y a pas de morale à tirer de cette histoire pour partie banale et pour partie exceptionnelle. Ces dysfonctionnements des auxiliaires de justices et officiers ministériels sont fréquents et se passent souvent en l'absence même des clients, qui du coup n'en sont pas témoins et s'entendent dire une chose par l'un et une différente chose par l'autre.
INCITER les clients à venir aux procès où ils sont partie est la moindre des choses. Concrètement, il n'y aura personne d'autre pour les informer des dysfonctionnements rencontrés au cours de l'instance.
Enfin, et ce n'est pas le meilleur, comme il a été suggéré au début de cet article, la disparition des avoués annoncée (mais non écrite encore), dans de telles circonstances, ne peut être que souhaitable, sans pour autant que l'avocat, sur qui ces tâches vont incomber, se montre plus compétent, et lui aussi, ne recoure pas à un stagiaire, stagiaires qui pour certains, n'ont pas un sens très affirmé de sérieux du travail qui leur est confié, tout simplement parce qu'ils ne sont pas payés, et plus encore parce qu'ils ne savent pas concrètement ce qui va se passer après le travail de cabinet qui leur a été confié en pleine "confiance".

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